IRAN, POÉSIES PERSANES

Dès l’aéroport le ton est donné : « Je suis heureux de voir les Européens venir visiter mon très beau pays. Les Iraniens aiment les Occidentaux, c’est notre gouvernement qui veut faire croire le contraire » nous déclare le chauffeur de taxi qui nous transporte à très vive allure et nous fait part de son admiration pour Farah Pahlavi, l’ex impératrice d’Iran qui partage sa vie entre Paris et les Etats-Unis. Arrivé au centre ville les clichés semblent pourtant respectés, fantômes noirs qui se faufilent au milieu de la circulation congestionnée de Téhéran, portraits géants de Khomeiny qui se dressent sur les pignons des immeubles sans charme, quelques mollahs enturbannés attaché-case à la main sortent de bâtiments officiels. Mais assez rapidement les clichés se troublent, l’appel à la prière ne perturbe aucunement le rythme de la vie, les mosquées sont quasiment désertes, dans les parcs publics la jeunesse se conte fleurette, les voiles des jeunes filles ont une fâcheuse tendance à glisser, les femmes osent le maquillage, les garçons arborent les noms des groupes de rock américains en vogue sur des tee-shirts moulants, dans les rues on entend régulièrement des « Welcome to Iran » et dans les villas chics des hauteurs de Téhéran les soirées ressemblent étrangement aux soirées londoniennes ou parisiennes. Même si Téhéran n’est pas le reflet de l’Iran, l’Iran ne saurait se résumer en de simples poncifs. La volonté de changement du peuple iranien est réelle. Plébiscité lors des élections présidentielles de 2013 par un vote massif des jeunes et des femmes, Hassan Rohani, le candidat “libéral”, a reçu un message clair pour un appel d’air. Et puisqu’une révolution ne s’est jamais faite en une décennie, celle de l’Iran semble encore loin d’être terminée mais les Iraniens sont patients ! Perse ou Iran ? Qu’importe puisque le plaisir de redécouvrir ce pays est entier. À Kashan, première halte, Le bazar, l’un des plus somptueux d’Iran, plonge immédiatement le visiteur dans l’Orient féerique. Plus au sud, à Ispahan, le noir devient couleur, la confusion se mue en raffinement et tout le passé fabuleux s’impose aux yeux. Avec l’air du temps la place du Shah a été rebaptisée place de l’Imam, mais l’harmonie et l’équilibre de cette merveille n’ont pas changé pour autant. Les coupoles jaillissent, imitant les fontaines des bassins qui leur servent de miroir et narguent de leurs bleus nuancés celui si pur du ciel d’Iran. Sous les voûtes voisines du bazar couvert résonnent les rumeurs de la ville, dans les maisons de thé les femmes viennent en groupe fumer le narguilé et les ponts qui enjambent la rivière Zayandeh Rud sont autant d’invites à des promenades romantiques. Direction l’est où l’une des plus ancienne ville du monde occupe le centre du plateau iranien. Yazd aligne ses badgirs, des tours qui captent le vent pour rafraichir les habitations en pisé, ancêtre de l’air conditionné. Dans cette ancienne ville étape de la route de la soie balayée par les vents du désert, il est agréable de flâner à l’ombre de ses ruelles tortueuses et immuable depuis la nuit des temps. Le temple du feu Ateshkadeh dont la flamme se consume depuis plus de 1500 ans attire de nombreux zoroastriens, religion fondée par Zarathoustra il y a 3000 ans. La bande d'asphalte grise et droite court vers l'infini sur une terre ocre et monotone. Le haut plateau désertique se dresse légèrement vers le sud, puis se froisse pour mieux s'élancer avec des pliures profondes marquées par les ombres du soleil levant. De nombreux caravansérails rythment régulièrement le parcours jusqu’à Kerman, le cœur du monde comme aimait la décrire le poète soufi Nemotallah Valli. L’ancien hammam au décor des 1001 nuits a été reconverti aujourd’hui en une tchaikhana, maison de thé où exhalent les parfums des narguilés, et où la mélodie des chants persans bercent les jeunes couples qui sirotent du thé vert très sucré. Les nuances turquoises des faïences du mausolée du poète Valli et les jardins Bagh-e-Tarikhi sont autant de prétextes pour faire le détour vers cette région. Chiraz, elle, se conjugue au rythme des versets de ses poètes Hafiz et Saadi et de ses élégants jardins symétriques. « Dans le jardin des roses, hier, l’aube pointait. La nuit passée dans mon ivresse s’effaçait. J’était pareil au rossignol ». Non loin de là les nomades ”Qashqaï ” installent leurs campements au pied du site de Persepolis, l’ancienne capitale de Darius le Grand. Sous les tentes de laine noire, les femmes vêtues de couleurs vives perpétuent autour des métiers à tisser l’art du tapis et du ” Gabeh ” qui font le succès du bazar de Chiraz. Malgré les tentatives de sédentarisation menées sous le Shah, l’automne voit les nomades turcophones quitter ces montagnes de la province du Fars pour se diriger vers les bords du Golfe Persique. Les Iraniens très épris de poésies et les étrangers de passage lirons peut-être dans les versets du grand poète de Nishapur, Omar Khayyam, une prédilection philosophique : « Comme il n'existe dans nos mains que le vent de tout ce qui passe. Comme chaque chose est vouée au déclin, au vieillissement. Penses que tout ce qui existe n'a peut-être aucune existence. Penses dans le même temps qu'existe ce qui n'existe pas ». Tuul & Bruno Morandi

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